L’année 2025 marque le 1700e anniversaire du premier Concile œcuménique, réuni à Nicée en Bithynie. Cet événement ne fut pas une simple assemblée, mais un véritable kairos, un moment providentiel et décisif qui a reconfiguré de manière irréversible la trajectoire de l’Église. En quelques semaines, du 20 mai au 25 juillet 325, le christianisme est passé du statut de foi périodiquement persécutée à celui de foi publiquement débattue, définie et sanctionnée par l’autorité impériale. La commémoration d’un tel jalon invite les chrétiens à s’unir dans une action de grâce envers la Sainte Trinité, et en particulier envers Jésus-Christ, le Fils de Dieu, proclamé « consubstantiel au Père ». Cette dimension doxologique, qui célèbre le trésor de la foi exprimée dans le Symbole, est première.

Cependant, une commémoration authentique ne saurait se limiter à une célébration acritique. Nicée fut aussi un événement d’une complexité historique et théologique profonde, dont la réception fut marquée par des décennies de conflits acharnés. Il fut moins une conclusion qu’un point de départ, un acte fondateur dont la signification n’a cessé d’être débattue, interprétée et parfois instrumentalisée. Cet article se propose donc d’examiner le concile sous cinq angles complémentaires, afin de saisir toute la richesse de son héritage. Il s’agira d’abord d’analyser le contexte politico-religieux qui a rendu sa convocation non seulement possible mais nécessaire. Ensuite, le déroulement factuel de l’assemblée sera étudié, en s’efforçant de distinguer le récit historique de la construction hagiographique. La troisième partie sera consacrée à l’élaboration de sa théologie, notamment la christologie du Symbole et la structuration de l’Église par les canons. Une quatrième section explorera sa réception conflictuelle, qui démontre la vitalité et les tensions de la pensée théologique du IVe siècle. Enfin, son héritage durable et sa pertinence contemporaine seront évalués à l’occasion de cet anniversaire, moment privilégié pour une interrogation œcuménique sur l’unité des chrétiens.

I. Un Empire en mutation, une Église en ébullition : le contexte du premier Concile œcuménique

A. L’Ère constantinienne : de la persécution à la faveur impériale

Le Concile de Nicée est indissociable de la figure de l’empereur Constantin Ier et de la transformation radicale qu’il a imposée à l’Empire romain. Le IVe siècle s’ouvre sur la plus violente des persécutions, celle de Dioclétien (303-311), qui laissa des traces profondes dans la mémoire et sur le corps même de l’Église. Le retournement de situation est aussi soudain que spectaculaire. L’édit dit « de Milan », promulgué en 313 par Constantin et son co-empereur Licinius, accorde la liberté de culte à tous les citoyens de l’Empire, mettant fin à près de trois siècles de précarité et de clandestinité pour les chrétiens. Des évêques qui, quelques années plus tôt, étaient torturés dans les geôles impériales se retrouvent désormais conviés à la table de l’empereur, portant les cicatrices des persécutions passées comme des trophées de leur foi.

L’étape décisive est franchie en 324. La victoire de Constantin sur Licinius lors de la bataille de Chrysopolis fait de lui le maître unique de l’Empire romain. Cette réunification politique s’accompagne d’un projet de consolidation idéologique. Constantin, converti au christianisme depuis sa victoire au pont Milvius en 312, perçoit l’unité de l’Église comme le ciment spirituel indispensable à la cohésion de son Empire. Les divisions doctrinales, qui pouvaient auparavant sembler être des querelles internes, deviennent des menaces directes à la paix civile (pax civilis) et, dans la perspective de l’empereur, à la faveur divine sur l’État. La convocation du concile n’est donc pas un simple acte de piété, mais une décision politique de première importance. L’expérience antérieure de Constantin avec le schisme donatiste en Afrique du Nord lui avait déjà enseigné que les conflits ecclésiastiques pouvaient dégénérer en troubles sociaux et que l’intervention impériale était parfois nécessaire pour rétablir la concorde. En arrivant en Orient, il découvre une situation encore plus explosive, qui le pousse à envisager une solution d’une ampleur inédite : un concile de tout l’ « œcumène », le monde habité sous son autorité.

B. Les fractures de la Chrétienté orientale : controverses et schismes pré-nicéens

Constantin découvre en Orient une Église certes dynamique et intellectuellement foisonnante, mais traversée par de profondes lignes de fracture. Trois crises majeures menacent son unité.

La première, d’ordre liturgique, est la controverse pascale. Depuis le IIe siècle, une divergence de pratique opposait la plupart des Églises à celles d’Asie Mineure. Ces dernières, appelées « Quartodécimans », célébraient Pâques le 14e jour du mois de Nisan du calendrier juif, jour de la crucifixion, quel que soit le jour de la semaine. Rome, Alexandrie et la majorité des autres Églises, quant à elles, célébraient la Résurrection le dimanche qui suivait la Pâque juive. Pour Constantin, cette désunion dans la célébration de la fête la plus importante du christianisme était un scandale intolérable, d’autant plus qu’elle impliquait une dépendance vis-à-vis du calendrier juif, ce qu’il jugeait humiliant et indigne.

La deuxième crise, d’ordre disciplinaire et ecclésiologique, est le schisme de Mélèce en Égypte. Né durant la persécution de Dioclétien, ce schisme opposait Mélitios, évêque de Lycopolis, au patriarche Pierre d’Alexandrie. Le conflit portait sur la réintégration des lapsi, les chrétiens qui avaient failli durant la persécution. Mélitios, adoptant une ligne rigoriste, avait procédé à des ordinations sur le territoire d’autres évêques, créant une Église parallèle et contestant l’autorité du siège d’Alexandrie. Bien que distinct de l’arianisme sur le plan doctrinal, ce schisme avait profondément affaibli l’Église égyptienne et préparé le terrain à de nouvelles divisions.

La troisième et plus grave des crises est la controverse arienne. Vers 318, un prêtre d’Alexandrie, Arius, commence à prêcher une doctrine qui remet en cause le cœur de la foi chrétienne : la divinité du Christ. S’appuyant sur une lecture de l’Écriture influencée par le médio-platonisme et son insistance sur la transcendance absolue du Dieu Un, Arius enseigne que le Fils, le Logos, n’est pas Dieu au même titre que le Père. Il est une créature, certes la première et la plus parfaite de toutes, mais une créature tirée du néant (ex ouk ontôn). Sa formule la plus célèbre, « Il y eut un temps où il n’était pas » (ἦν ποτε ὅτε οὐκ ἦν), résume sa pensée : le Fils a eu un commencement, il n’est donc pas éternel et ne partage pas la substance divine du Père. Cette théologie, qui pouvait sembler rationnellement plus simple et préserver un monothéisme strict, se répandit avec une rapidité foudroyante. Condamné par un synode local à Alexandrie vers 320 sous l’égide de l’évêque Alexandre , Arius trouve refuge et soutien auprès d’évêques influents, notamment Eusèbe de Nicomédie. Il popularise sa doctrine par des moyens innovants, comme des chansons pour les marins et les artisans du port d’Alexandrie. Ce qui n’était au départ qu’une dispute locale devient alors une controverse qui embrase tout l’Orient chrétien, divisant les évêques, les clercs et les fidèles. C’est cette « tempête parfaite », combinant une théologie intellectuellement séduisante, des fractures ecclésiales préexistantes et une communication populaire efficace, qui rendit l’intervention impériale et la convocation d’un concile universel inévitables.

II. L’Assemblée de Nicée (20 mai – 25 juillet 325) : déroulement et protagonistes

A. La convocation impériale et la composition du Concile

Face à l’ampleur de la crise arienne, qui s’ajoutait aux autres divisions, Constantin prit une initiative sans précédent : convoquer une assemblée de tous les évêques de l’oikoumenē. Le lieu initialement prévu, Ancyre, fut changé pour Nicée (aujourd’hui Iznik, en Turquie), une ville de Bithynie plus accessible et surtout proche de la résidence impériale de Nicomédie, ce qui permettait à l’empereur de superviser les travaux et de peser de tout son poids sur leur issue. Ce choix stratégique visait peut-être aussi à neutraliser l’influence d’Eusèbe de Nicomédie, le principal soutien d’Arius, en déplaçant les débats hors de son siège épiscopal. L’empereur mit à la disposition des évêques la poste impériale (cursus publicus) pour faciliter leur voyage, un signe tangible de la nouvelle alliance entre l’Empire et l’Église.

La composition de l’assemblée révèle beaucoup sur l’état de l’Église à cette époque. La tradition a consacré le nombre symbolique de 318 Pères, en écho aux 318 serviteurs d’Abraham (Genèse 14:14), un chiffre chargé de typologie biblique. Les estimations historiques modernes s’accordent plutôt sur un nombre oscillant entre 250 et 300 évêques. La caractéristique la plus frappante de cette assemblée est sa composition quasi exclusivement orientale. Les listes de signataires montrent une écrasante majorité d’évêques venus d’Égypte, de Palestine, de Syrie, d’Asie Mineure et des Balkans. L’Occident latin, moins touché et moins intéressé par ces subtilités théologiques grecques, était très faiblement représenté. Outre Ossius de Cordoue, on ne compta que quelques évêques de Gaule, d’Afrique et d’Italie. Le pape Sylvestre Ier, invoquant son grand âge, n’effectua pas le voyage mais se fit représenter par deux prêtres, Vitus et Vincentius. Cette disproportion géographique allait avoir des conséquences durables, soulignant une divergence culturelle et théologique croissante entre les deux poumons de l’Église.

L’autorité du concile ne reposait pas seulement sur son ampleur, mais aussi sur la qualité morale de ses membres. L’assemblée était, selon le mot d’un témoin, « une assemblée de martyrs ». Nombre d’évêques présents, comme Paphnuce de la Thébaïde, qui avait eu un œil arraché, ou Paul de Néocésarée, dont les mains avaient été brûlées au fer rouge, portaient dans leur chair les marques de leur fidélité au Christ durant la Grande Persécution. Leur présence conférait à l’assemblée une légitimité spirituelle immense. Ils incarnaient l’Église qui avait triomphé non par la puissance, mais par la souffrance, et leur parole était empreinte d’une autorité que nul ne pouvait contester. C’est la convergence de cette autorité morale des confesseurs avec l’autorité politique et coercitive de l’empereur qui donna au Concile de Nicée son caractère unique et son pouvoir normatif.

B. Les débats conciliaires : entre manœuvres théologiques et volonté de consensus

Le concile s’ouvrit le 20 mai 325 dans une salle du palais impérial, en présence de Constantin lui-même. Après une allocution de bienvenue, probablement prononcée par Eustathe d’Antioche, l’empereur prit la parole en latin (sa langue maternelle, immédiatement traduite en grec pour l’assemblée). Son discours fut celui d’un homme d’État : il exhorta les évêques à la concorde, affirmant que les « guerres intestines dans l’Église de Dieu » étaient à ses yeux « plus terribles et plus pénibles que n’importe quelle guerre ou bataille ». L’objectif était clair : l’unité.

Les débats qui s’ensuivirent furent vifs et complexes, opposant plusieurs factions.

  • Le parti arien, mené par Arius lui-même et soutenu par des évêques influents comme Eusèbe de Nicomédie, présenta une profession de foi conforme à sa doctrine. Selon les sources orthodoxes, ce texte fut accueilli par une indignation générale et symboliquement déchiré par l’assemblée, tant il semblait en rupture avec la foi traditionnelle.
  • Le parti « orthodoxe » ou « alexandrin » était dirigé par l’évêque Alexandre d’Alexandrie. Il était assisté par son jeune diacre et secrétaire, Athanase, qui, bien que n’ayant pas le droit de vote, se révéla par son acuité théologique et son intransigeance l’un des acteurs majeurs de la réfutation de l’arianisme.
  • Entre ces deux pôles, un parti « médian », parfois qualifié d’origéniste, cherchait une voie de compromis. Sa figure la plus éminente était l’historien Eusèbe de Césarée. Prudent et soucieux de paix, il proposa comme base de discussion le symbole baptismal en usage dans son Église de Césarée. Ce credo, ancien et entièrement composé de formules scripturaires, avait l’avantage d’être acceptable par beaucoup. Cependant, le parti alexandrin le jugea trop ambigu, ses termes pouvant être interprétés dans un sens arien.
  • La figure d’Ossius de Cordoue fut déterminante. En tant que principal conseiller ecclésiastique de l’empereur et représentant de la tradition théologique occidentale, plus simple et moins spéculative, il joua probablement le rôle de président des sessions. C’est vraisemblablement lui, avec le soutien de l’empereur, qui poussa à l’adoption d’un terme non scripturaire mais théologiquement précis pour clore définitivement le débat : le mot homoousios.

C. Le rôle de l’Empereur : arbitre, médiateur ou « Évêque du dehors »?

Le rôle de Constantin à Nicée a fait l’objet d’interprétations contradictoires. Il n’a pas agi en théologien dictant le dogme, domaine pour lequel il n’avait ni la compétence ni l’intérêt. Son intervention fut celle d’un homme politique pragmatique, d’un médiateur suprême dont l’unique but était de parvenir à un consensus large et durable. Il assista aux sessions, écouta les arguments avec patience, intervint personnellement pour apaiser les tensions et exhorter à l’unité, utilisant son prestige pour rapprocher les points de vue.

Son soutien à la formule de l‘homoousios fut l’acte décisif. Voyant que les formules purement bibliques laissaient place à l’ambiguïté, il comprit la nécessité d’un terme technique qui trancherait la question sans équivoque. Une fois que la majorité des évêques se fut ralliée à cette solution, il usa de son autorité impériale pour la rendre universellement obligatoire. Il fit du Symbole de Nicée non seulement une règle de foi ecclésiale, mais aussi une loi de l’Empire, menaçant d’exil les quelques évêques qui refuseraient de le signer.

En agissant ainsi, Constantin inaugura un modèle inédit de relation entre l’Église et l’État. Il se positionna comme le protecteur et le garant de l’orthodoxie, se définissant lui-même, selon Eusèbe de Césarée, comme un « évêque pour les affaires du dehors » (episkopos tōn ektos). Cette posture, souvent qualifiée a posteriori de « césaropapisme », est certes anachronique, car la papauté n’avait pas encore la structure qu’elle connaîtra plus tard. Néanmoins, elle marque bien la naissance d’une intrication profonde entre le pouvoir impérial et les affaires doctrinales de l’Église, une alliance qui allait façonner l’histoire du christianisme pour les siècles à venir.

III. La fabrique de l’orthodoxie : la théologie et les canons de Nicée

A. Le Symbole de 325 : la formulation de la foi trinitaire

L’œuvre la plus célèbre du concile est sa profession de foi, un texte bref mais d’une portée théologique immense, qui visait à la fois à proclamer la foi apostolique et à exclure l’hérésie arienne. Le Symbole de 325 s’articule autour de l’affirmation de la foi en « un seul Dieu, Père tout-puissant », puis en « un seul Seigneur Jésus-Christ ». C’est dans la définition de ce dernier que se situe l’innovation décisive. Le Christ y est confessé comme « Fils de Dieu, engendré du Père, unique-engendré, c’est-à-dire de la substance du Père (ἐκτῆςοὐσιˊαςτοῦΠατροˊς), Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père (ὁμοουˊσιοντῷΠατριˊ) ». Après avoir brièvement mentionné l’Incarnation, la Passion et la Résurrection, le texte se termine par une courte affirmation de foi « en l’Esprit Saint ».

Ce qui rend ce texte si puissant, c’est qu’il est indissociable de la série d’anathèmes qui le conclut. Ces condamnations ciblent avec une précision chirurgicale les thèses ariennes : « Quant à ceux qui disent : ‘Il y eut un temps où il n’était pas’, et ‘Avant d’être engendré, il n’était pas’, […] ou qui affirment que le Fils de Dieu est d’une autre hypostase ou substance, ou qu’il est créé, ou sujet au changement ou à l’altération, ceux-là l’Église catholique et apostolique les anathématise ». Cette structure binaire, une affirmation de foi suivie d’une condamnation de l’erreur, établit un modèle pour les conciles futurs. Elle ne se contente pas de dire ce qu’est la foi ; elle trace une frontière nette entre l’orthodoxie et l’hérésie, définissant ainsi les limites de la communauté ecclésiale.

Le mot-clé de cette définition, le terme grec ὁμοουˊσιος (homoousios), fut à la fois la solution et la source de nouvelles controverses. Traduit en latin par consubstantialis (« consubstantiel »), il signifie « de même substance » ou « de même être ». Ce terme, qui n’apparaît nulle part dans l’Écriture, fut un choix audacieux. Il avait un passé suspect, ayant été utilisé par des gnostiques et condamné un demi-siècle plus tôt dans un autre contexte (contre Paul de Samosate, qui l’utilisait dans un sens monarchien1). Son adoption par les Pères de Nicée représente un acte de « fidélité créative ». Conscients que les formules purement bibliques étaient contournées par les ariens, ils choisirent un terme philosophique pour verrouiller le sens orthodoxe de la Révélation scripturaire, en particulier des passages johanniques comme « Moi et le Père, nous sommes un » (Jn 10:30). En affirmant que le Fils est homoousios au Père, le concile déclarait sans ambiguïté que le Fils partage la même et unique substance divine que le Père. Il n’est ni une créature, ni un dieu second, ni un intermédiaire ; il appartient pleinement à la sphère de l’Être incréé.

TABLEAU

Symbole de Nicée (325)Symbole de Nicée-Constantinople (381)
Texte grec (N)Texte grec (C)
Πιστεύομεν εἰς ἕνα θεόν, πατέρα, παντοκράτορα, πάντων ὁρατῶν τε καὶ ἀοράτων ποιητήν.Πιστεύομεν εἰς ἕνα θεόν, πατέρα, παντοκράτορα, ποιητὴν οὐρανοῦ καὶ γῆς ὁρατῶν τε πάντων καὶ ἀοράτων.
Καὶ εἰς ἕνα κύριον Ἰησοῦν Χριστόν, τὸν υἱὸν τοῦ θεοῦ γεννηθέντα ἐκ τοῦ πατρός, μονογενῆ, τουτέστιν ἐκ τῆς οὐσίας τοῦ πατρός, θεὸν ἐκ θεοῦ, φῶς ἐκ φωτός, θεὸν ἀληθινὸν ἐκ θεοῦ ἀληθινοῦ, γεννηθέντα οὐ ποιηθέντα, ὁμοούσιον τῷ πατρί, δι᾿ οὗ τὰ πάντα ἐγένετο τά τε ἐν τῷ οὐρανῷ καὶ τὰ ἐν τῇ γῇ, τὸν δι᾿ ἡμᾶς τοὺς ἀνθρώπους καὶ διὰ τὴν ἡμετέραν σωτηρίαν κατελθόντα καὶ σαρκωθέντα, ἐνανθρωπήσαντα, παθόντα, καὶ ἀναστάντα τῇ τρίτῃ ἡμέρᾳ, ἀνελθόντα εἰς τοὺς οὐρανούς, ἐρχόμενον κρῖναι ζῶντας καὶ νεκρούς.Καὶ εἰς ἕνα κύριον Ἰησοῦν Χριστόν, τὸν υἱὸν τοῦ θεοῦ τὸν μονογενῆ, τὸν ἐκ τοῦ πατρὸς γεννηθέντα πρὸ πάντων τῶν αἰώνων, φῶς ἐκ φωτός, θεὸν ἀληθινὸν ἐκ θεοῦ ἀληθινοῦ, γεννηθέντα οὐ ποιηθέντα, ὁμοούσιον τῷ πατρί, δι᾿ οὗ τὰ πάντα ἐγένετο, τὸν δι᾿ ἡμᾶς τοὺς ἀνθρώπους καὶ διὰ τὴν ἡμετέραν σωτηρίαν κατελθόντα ἐκ τῶν οὐρανῶν καὶ σαρκωθέντα ἐκ πνεύματος ἁγίου καὶ Μαρίας τῆς παρθένου καὶ ἐνανθρωπήσαντα, σταυρωθέντα τε ὑπὲρ ἡμῶν ἐπὶ Ποντίου Πιλάτου καὶ παθόντα καὶ ταφέντα καὶ ἀναστάντα τῇ τρίτῃ ἡμέρᾳ κατὰ τὰς γραφάς καὶ ἀνελθόντα εἰς τοὺς οὐρανούς καὶ καθεζόμενον ἐκ δεξιῶν τοῦ πατρὸς καὶ πάλιν ἐρχόμενον μετὰ δόξης κρῖναι ζῶντας καὶ νεκρούς, οὗ τῆς βασιλείας οὐκ ἔσται τέλος.
Καὶ εἰς τὸ ἅγιον πνεῦμα.Καὶ εἰς τὸ πνεῦμα τὸ ἅγιον, τὸ κύριον καὶ ζωοποιόν, τὸ ἐκ τοῦ πατρὸς ἐκπορευόμενον, τὸ σὺν πατρὶ καὶ υἱῷ συμπροσκυνούμενον καὶ συνδοξαζόμενον, τὸ λαλῆσαν διὰ τῶν προφητῶν. Εἰς μίαν, ἁγίαν, καθολικὴν καὶ ἀποστολικὴν ἐκκλησίαν. Ὁμολογοῦμεν ἓν βάπτισμα εἰς ἄφεσιν ἁμαρτιῶν. Προσδοκῶμεν ἀνάστασιν νεκρῶν καὶ ζωὴν τοῦ μέλλοντος αἰῶνος. Ἀμήν.
Τοὺς δὲ λέγοντας. Ἦν ποτε, ὅτε οὐκ ἦν, καί. πρὶν γεννηθῆναι οὐκ ἦν, καὶ ὅτι ἐξ οὐκ ὄντων ἐγένετο, ἢ ἐξ ἑτέρας ὑποστάσεως ἢ οὐσίας φάσκοντας εἶναι, ἢ κτιστόν, ἢ τρεπτόν, ἢ ἀλλοιωτὸν τὸν υἱὸν τοῦ θεοῦ, τούτους ἀναθεματίζει ἡ καθολικὴ καὶ ἀποστολικὴ ἐκκλησία.(Anathèmes supprimés)
Traduction française (N)Traduction française (C)
Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur de toutes les choses visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, engendré du Père, unique engendré, c’est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré, non fait, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre, qui pour nous les hommes et pour notre salut est descendu et s’est incarné, s’est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, viendra juger les vivants et les morts ; et en l’Esprit Saint.Nous croyons en un seul Dieu Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles ; et en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu, l’unique engendré, engendré du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré, non fait, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, qui pour nous les hommes et pour notre salut est descendu des cieux et s’est incarné par le Saint-Esprit de la Vierge Marie et s’est fait homme ; et a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate et a souffert, et a été enseveli et est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures et est monté aux cieux ; et siège à la droite du Père et reviendra avec gloire juger les vivants et les morts ; son règne n’aura pas de fin. Et en l’Esprit Saint, le Seigneur et le vivifiant, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est co-adoré et co-glorifié, qui a parlé par les prophètes. En une seule Église, sainte, catholique et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés. Nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amen.
Quant à ceux qui disent : « Il y eut un temps où il n’était pas », et « Avant d’être engendré, il n’était pas », et qu’il a été fait à partir de ce qui n’était pas, ou qui affirment que le Fils de Dieu est d’une autre hypostase ou substance, ou créé, ou sujet au changement ou à l’altération, ceux-là l’Église catholique et apostolique les anathématise.(Anathèmes supprimés)

B. Les Vingt Canons : structuration de l’Église et discipline ecclésiastique

Au-delà de la question doctrinale, le Concile de Nicée a joué un rôle fondamental dans la structuration de l’Église en promulguant vingt canons disciplinaires. Ces canons constituent le premier corpus de droit ecclésiastique de portée « universelle », fixant des règles pour l’organisation, la discipline et la liturgie de l’ensemble de la chrétienté impériale.

Le plus significatif de ces canons est sans doute le sixième, qui jette les bases de la future organisation patriarcale de l’Église. En affirmant que « les anciennes coutumes doivent être maintenues », il reconnaît la juridiction de l’évêque d’Alexandrie sur l’Égypte, la Libye et la Pentapole, en prenant pour modèle l’autorité exercée par l’évêque de Rome sur les provinces suburbicaires. Il mentionne également les « prérogatives » du siège d’Antioche et d’autres provinces. Ce canon ne crée pas une nouvelle structure, mais il codifie une réalité préexistante de primautés régionales exercées par les grands sièges apostoliques. Il reflète une vision polycentrique de l’Église universelle, conçue comme une communion de grandes Églises régionales, un modèle qui préfigure la théorie de la Pentarchie (Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jérusalem) et qui reste une référence cruciale dans le dialogue œcuménique contemporain sur la synodalité et la primauté.

Les autres canons témoignent d’un souci de mettre de l’ordre dans une Église en pleine expansion. Plusieurs d’entre eux visent à moraliser et à professionnaliser le clergé. Le canon 1 interdit l’accès au clergé à ceux qui se sont volontairement mutilés ; le canon 2 proscrit l’ordination de néophytes, afin d’assurer une formation adéquate ; le canon 3 interdit aux clercs de cohabiter avec des femmes « sous-introduites » (syneisaktae), à l’exception de leur mère, sœur ou tante, pour éviter tout scandale ; le canon 17 condamne le prêt à intérêt (usure) pratiqué par des clercs. D’autres canons organisent la vie institutionnelle. Le canon 4 stipule qu’un évêque doit être institué par tous les évêques de sa province, ou au moins par trois d’entre eux, avec la confirmation du métropolitain. Le canon 5 établit la tenue de synodes provinciaux deux fois par an pour régler les cas d’excommunication et autres affaires disciplinaires, institutionnalisant ainsi la synodalité à l’échelon régional. Enfin, des questions liturgiques sont également abordées, comme le canon 20 qui unifie la posture de la prière en interdisant de s’agenouiller le dimanche et durant le temps pascal (de Pâques à la Pentecôte), l’attitude debout étant le signe de la joie de la Résurrection.

IV. Une réception tumultueuse : la crise post-nicéenne (325-381)

A. La résistance à Nicée : partis théologiques et ingérences impériales

Loin d’instaurer une paix durable, la proclamation du Symbole de Nicée marqua le début de plus de cinquante ans de controverses théologiques et de luttes de pouvoir d’une violence inouïe. La quasi-unanimité obtenue à Nicée, en partie sous la pression de l’empereur, se fissura rapidement. Le terme homoousios, non biblique et philosophiquement chargé, devint une véritable « pierre d’achoppement » pour une grande partie de l’épiscopat oriental, qui craignait qu’il ne mène au sabellianisme (une hérésie qui confondait les personnes de la Trinité).

Après 325, le paysage théologique se fragmenta en plusieurs partis opposés à la foi de Nicée :

  • Les Anoméens (« dissemblables »), ou ariens stricts, menés par des théologiens comme Aétius et Eunome, soutenaient que le Fils est d’une substance totalement différente (ἀνοˊμοιος) de celle du Père.
  • Les Homéens (« semblables »), le parti de compromis favorisé par l’empereur Constance II, proposaient une formule délibérément vague, affirmant que le Fils est simplement semblable (ὅμοιος) au Père « selon les Écritures », tout en refusant d’entrer dans des spéculations sur la « substance ».
  • Les Homoiousiens (« de substance semblable »), souvent qualifiés de « semi-ariens », représentaient l’aile la plus modérée et la plus nombreuse de l’opposition. Théologiquement proches des Nicéens, ils affirmaient que le Fils était de substance semblable (ὁμοιουˊσιος) au Père, mais rejetaient le terme homoousios qu’ils jugeaient suspect.

Cette fragmentation théologique fut exacerbée par les interventions politiques. Le règne de Constance II (337-361), fils et successeur de Constantin, fut marqué par une politique impériale activement anti-nicéenne. Favorable au parti homéen, il utilisa son pouvoir pour déposer et exiler les évêques nicéens les plus intransigeants, à commencer par Athanase d’Alexandrie, et convoqua une série de conciles (Sirmium en 357, Rimini et Séleucie en 359) dans le but explicite de substituer au Symbole de Nicée une nouvelle formule de foi acceptable pour tous. Cette période démontre de manière frappante la réversibilité politique du dogme au IVe siècle : l’orthodoxie proclamée à Nicée sous un empereur devint une position minoritaire et persécutée sous son successeur. La ligne de partage entre la foi acceptée et l’hérésie condamnée dépendait largement de l’allégeance théologique du détenteur du pouvoir impérial.

B. Athanase « contra mundum » : la construction de la mémoire nicéenne

Dans cette période de crise, la figure d’Athanase, devenu évêque d’Alexandrie en 328, s’imposa comme le champion indéfectible de la foi de Nicée. Exilé à cinq reprises par des empereurs ariens ou pro-ariens, il incarna la résistance orthodoxe, résumée par l’adage Athanasius contra mundum (« Athanase contre le monde »). Son immense production littéraire, rédigée en grande partie durant ses exils, fut déterminante pour la survie et la victoire finale de la cause nicéenne.

Cependant, l’historiographie moderne a porté un regard plus critique sur l’œuvre d’Athanase, reconnaissant son rôle dans la construction d’une mémoire orientée du concile. Dans ses écrits polémiques, comme les Discours contre les Ariens ou l’Histoire des Ariens, Athanase a délibérément forgé une narration binaire et simplifiée du conflit. Il y oppose une orthodoxie nicéenne monolithique, présentée comme la foi immuable des apôtres, à une « hérésie arienne » unique et malveillante, amalgamant sous cette étiquette toutes les formes d’opposition à Nicée, y compris les plus modérées. Ce faisant, il a sacralisé l’événement de 325, le présentant comme un sommet définitif et infaillible de la Tradition, et a largement contribué à façonner l’image que la postérité a conservée du concile, une image qui tend à occulter la complexité des débats et la difficile élaboration de la doctrine au cours du IVe siècle.

C. La victoire de l’orthodoxie : des Pères cappadociens au Concile de Constantinople (381)

La sortie de la crise fut le fruit d’une double évolution, théologique et politique. Sur le plan théologique, la percée décisive vint des Pères Cappadociens : Basile de Césarée, son ami Grégoire de Nazianze, et son frère Grégoire de Nysse. Ces théologiens de génie parvinrent à affiner le vocabulaire trinitaire en établissant une distinction claire entre l’unique « substance » ou « essence » divine (οὐσιˊα) et les trois « hypostases » ou « personnes » (ὑποˊστασις) qui la possèdent en commun : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Cette clarification permit de montrer que l’homoousios de Nicée affirmait l’unité de nature sans pour autant confondre les personnes, levant ainsi la principale objection des Homoiousiens et permettant leur ralliement à la cause nicéenne.

Sur le plan politique, l’avènement de l’empereur Théodose Ier en 379 changea radicalement la donne. Originaire d’Espagne et fervent partisan de la foi nicéenne, il renversa la politique religieuse de ses prédécesseurs. Par le célèbre Édit de Thessalonique (28 février 380), il décréta que la foi professée par l’évêque de Rome, Damase, et celui d’Alexandrie, Pierre (successeur d’Athanase), devait être reconnue comme la religion officielle de l’Empire. L’orthodoxie nicéenne devenait ainsi loi d’État.

Pour sceller cette victoire, Théodose convoqua un nouveau concile à Constantinople en 381. Cette assemblée, composée uniquement d’évêques orientaux, est aujourd’hui reconnue comme le deuxième concile œcuménique. Ses Pères confirmèrent la foi de Nicée et la complétèrent en développant l’article sur le Saint-Esprit, dont la pleine divinité était niée par les Pneumatomaques (« ceux qui combattent l’Esprit »). Le résultat de ce travail fut le Symbole de Nicée-Constantinople, une version enrichie et précisée du credo de 325, qui est aujourd’hui la profession de foi la plus universellement partagée par les Églises chrétiennes. Avec ce concile, la crise arienne, qui avait secoué l’Église pendant près de soixante ans, trouvait sa résolution dogmatique définitive.

V. Nicée, 1700 ans après : héritage et pertinence contemporaine

A. Un fondement dogmatique incontournable pour la christologie

L’héritage le plus fondamental du Concile de Nicée est d’ordre dogmatique. En définissant le Fils comme homoousios au Père, le concile a posé le socle de la christologie classique pour la quasi-totalité des confessions chrétiennes. Cette affirmation est la garantie théologique du réalisme de l’Incarnation et du Salut. Si le Christ n’est pas « vrai Dieu de vrai Dieu », mais une simple créature ou un intermédiaire, alors ce n’est pas Dieu Lui-même qui est venu à la rencontre de l’humanité, qui a partagé sa condition et l’a sauvée de l’intérieur. Comme le disait Athanase, un Christ créé ne pourrait pas diviniser l’homme ; seul le Créateur peut recréer sa créature. La foi de Nicée est donc la clé de voûte de la sotériologie chrétienne.

Cette décision a servi de fondement et de référence pour tous les grands conciles christologiques qui ont suivi, notamment Éphèse (431) et Chalcédoine (451), qui ont précisé l’union des deux natures, divine et humaine, dans l’unique personne du Christ. Nicée a fourni la « grammaire » conceptuelle et terminologique qui a permis à l’Église de penser et d’articuler le mystère du Christ. Aujourd’hui encore, ce concile demeure un rempart contre toutes les tentatives de réduire Jésus à un simple prophète, un maître de sagesse ou un modèle moral exceptionnel, en rappelant que la foi chrétienne confesse en lui le Fils éternel de Dieu fait homme.

B. Nicée comme modèle et défi pour l’Œcuménisme aujourd’hui

Le 1700e anniversaire du concile en 2025 est unanimement perçu par les différentes Églises comme une occasion œcuménique de première importance. Le Symbole de Nicée-Constantinople constitue en effet le patrimoine commun et le lien doctrinal le plus fort entre catholiques, orthodoxes et une grande partie des protestants. Célébrer Nicée ensemble est une manière de « redécouvrir les racines communes de la foi » et de souligner que « ce que nous avons en commun est beaucoup plus fort […] que ce qui nous divise »2.

Deux aspects de cet héritage sont particulièrement pertinents pour le dialogue œcuménique actuel. Le premier est la question de la date de Pâques. L’un des objectifs de Nicée était d’unifier cette célébration. Le fait que, par une heureuse coïncidence des calendriers julien et grégorien, Pâques soit célébrée le même jour en 2025 par la quasi-totalité des chrétiens, a donné un nouvel élan aux appels du Pape François et du Patriarche Œcuménique Bartholomée en faveur de l’établissement d’une date commune permanente. Parvenir à un tel accord serait une réalisation concrète et hautement symbolique de l’esprit d’unité de Nicée.

C. La Synodalité : relecture d’un événement fondateur pour l’Église du IIIe Millénaire

Dans le discours théologique contemporain, en particulier au sein de l’Église catholique engagée dans un « chemin synodal », le Concile de Nicée est de plus en plus relu comme un événement paradigmatique de la synodalité. Le mot « synode », du grec syn-hodos, signifie « faire route ensemble ». Il décrit parfaitement ce qui s’est passé à Nicée : des évêques venus de tout le monde connu se sont rassemblés pour écouter, délibérer et prendre des décisions en commun, dans la conviction d’être guidés par l’Esprit Saint. Nicée est l’archétype de l’Église qui exprime sa foi et règle ses problèmes non par l’autorité d’un seul, mais par le consensus de tous.

De plus, les canons de Nicée montrent que la synodalité n’est pas seulement un événement exceptionnel, mais une structure ordinaire de la vie ecclésiale. En prescrivant la tenue de synodes provinciaux bisannuels (canon 5) et en reconnaissant une structure polycentrique de grands sièges (canon 6), le concile a institutionnalisé une pratique de gouvernement collégial à tous les niveaux. L’anniversaire de 2025 offre ainsi une occasion de méditer sur ce modèle ancien de « marche ensemble » pour inspirer les pratiques ecclésiales d’aujourd’hui et de demain.

Cependant, l’héritage de Nicée demeure profondément paradoxal. Il est à la fois un symbole puissant d’unité doctrinale, célébré comme tel par toutes les Églises, et le témoin historique d’une unité obtenue par l’exclusion, la condamnation et la contrainte impériale. Les décennies de conflits qui ont suivi montrent que cette unité fut plus imposée que reçue. Commémorer Nicée aujourd’hui impose donc un discernement critique : il s’agit d’embrasser la foi de Nicée tout en s’interrogeant sur les méthodes de Nicée. Le défi pour l’œcuménisme et la synodalité contemporains est de rechercher une unité qui ne se fonde pas sur l’exclusion, mais sur un dialogue patient, une écoute mutuelle et une réception libre et partagée de la vérité.

Conclusion : l’actualité inépuisable de Nicée

Le premier Concile de Nicée fut un événement multidimensionnel qui a durablement marqué l’histoire du christianisme. Sur le plan dogmatique, il a opéré une clarification décisive de la foi christologique, en affirmant la pleine divinité du Fils et en dotant l’Église d’un vocabulaire théologique capable de dire le mystère de la Trinité face aux défis de la pensée philosophique. Sur le plan canonique, il a agi comme un puissant agent de structuration, en édictant les premières lois universelles de l’Église et en esquissant une ecclésiologie de communion entre les grands sièges apostoliques. Enfin, sur le plan politique, il a inauguré une relation nouvelle, complexe et souvent périlleuse, entre l’Église et l’Empire, dont les effets se font sentir jusqu’à nos jours.

Mille sept cents ans plus tard, Nicée n’est pas une simple relique du passé. Sa théologie continue de nourrir la foi et la prière de millions de chrétiens à travers le monde. Son histoire, y compris sa réception difficile et les conflits qu’il a engendrés, offre des leçons cruciales sur la nature du développement doctrinal, les dynamiques de la tradition et les dangers de l’instrumentalisation politique du religieux. Enfin, son idéal d’une foi confessée en commun et d’une Église « marchant ensemble » demeure une source d’inspiration puissante pour le cheminement œcuménique et la pratique synodale de l’Église au XXIe siècle. L’anniversaire de 2025 n’est donc pas tant une commémoration tournée vers le passé qu’un appel, adressé à l’Église d’aujourd’hui, à redécouvrir la profondeur de sa foi, à renouveler son engagement pour l’unité visible et à témoigner d’une même voix du Christ Sauveur, « vrai Dieu de vrai Dieu ».


  1. Système théologique des premiers siècles de l’Église qui, pour sauvegarder l’unité de l’essence divine, refusait le dogme de la Trinité et faisait des trois personnes divines des manifestations d’un Dieu unique. (Son principal représentant fut Sabellius.) ↩︎
  2. Commission théologique internationale, Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur, 1700e anniversaire du concile œcuménique de Nicée 325-2025 : https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_cti_doc_20250403_1700-nicea_fr.html ↩︎

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