« Fils d’homme, je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part »1. C’est par cette parole puissante du prophète Ézéchiel que la Fraternité des Guetteurs définit sa vocation. Être Guetteur n’est pas un simple titre honorifique, mais un appel vivant et pressant : veiller sur le monde, avertir des périls qui menacent l’âme et la société, et servir de conscience éveillée au cœur de la cité des hommes.
Cette page retrace le parcours de la Fraternité des Guetteurs, une sodalité de fidèles laïcs catholiques, depuis ses origines dans le creuset de la Belgique du XIXe siècle jusqu’à son incarnation moderne. Elle montrera comment ses principes fondateurs – la prière, l’étude, la fraternité et l’action autonome – ont été éprouvés et affermis à travers les grandes épreuves et les profondes transformations de l’ère contemporaine. Tout au long de ce récit, un fil spirituel unit chaque génération de Guetteurs : la devise extraite des Actes des Apôtres, Cor unum et anima una – « Un seul cœur et une seule âme ». Cet idéal d’unité parfaite, hérité de la première communauté chrétienne de Jérusalem, s’est révélé être à la fois un but à atteindre et une source inépuisable de force, guidant la Fraternité à travers un siècle et demi de veille et de fidélité.
- I. La Fondation (1874-1913) – Une lumière dans la tourmente du siècle
- 1.1. Le contexte : la Belgique du Kulturkampf
- 1.2. Le fondateur, Louis de la Bilande, et les premiers frères
- 1.3. Bâtir une spiritualité : prière, étude et fraternité
- II L'épreuve du feu (1914-1945) – Servir et défendre dans les Ténèbres
- 2.1. La Grande Guerre (1914-1918) : les Guetteurs et le Secours National
- 2.2. L'Entre-deux-guerres : l'essor de l'Action Catholique
- 2.3. La Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) : la résistance du Guetteur
- III. Le souffle du Concile (1946-1985) – Le renouveau d'un apostolat laïc
- IV. Le Guetteur à l'Ère numérique (1986-Aujourd'hui) – Une veille perpétuelle
- L'avenir d'une vocation
I. La Fondation (1874-1913) – Une lumière dans la tourmente du siècle
1.1. Le contexte : la Belgique du Kulturkampf
La Fraternité des Guetteurs voit le jour le 24 mai 1874, en la solennité de la Pentecôte, sous le pontificat de Pie IX. Cette date n’est pas anodine. Elle ancre la naissance de la Fraternité au cœur d’une époque de tensions idéologiques et politiques intenses. En Allemagne voisine, le Kulturkampf de Bismarck cherche à soumettre l’Église catholique à l’État. En Belgique, un conflit similaire, souvent qualifié de « première guerre scolaire » (1879-1884), oppose violemment les tenants d’un État laïc et libéral à un monde catholique mobilisé pour défendre son influence dans la société, et particulièrement dans l’éducation.
C’est dans ce climat de lutte pour l’âme de la nation que des laïcs catholiques décident d’agir. Face à une menace perçue contre les fondements de la « civilisation chrétienne », ils ne restent pas passifs. La fondation de la Fraternité des Guetteurs est une réponse directe et stratégique à cette crise. Les Constitutions originelles précisent d’emblée un point capital : la Fraternité est une association « laïque » qui, tout en reconnaissant le primat de l’Église de Rome, « ne relève que d’elle-même » et conserve « son autonomie absolue » dans ses actions et ses moyens de propagande, y compris en matière politique. À une époque où l’institution ecclésiastique est directement attaquée par le pouvoir politique, la création d’une structure laïque autonome est une démarche d’une grande intelligence stratégique. Elle permet un engagement direct dans la sphère sociopolitique sans impliquer formellement la hiérarchie épiscopale, protégeant ainsi cette dernière tout en donnant les moyens d’agir à une véritable milice spirituelle et intellectuelle de fidèles dévoués.
1.2. Le fondateur, Louis de la Bilande, et les premiers frères
À la tête de ce groupe de fondateurs se trouve le « Vénérable frère Louis de la Bilande », premier Prieur de la Fraternité. Le nom de la Bilande est historiquement associé au Brabant wallon, notamment à un domaine près de Wavre, ville qui deviendra bien des années plus tard le siège de l’association gérant le patrimoine de la Fraternité. Louis de la Bilande, avocat, notable de cette région et homme de foi profonde, s’entoure d’hommes éduqués partageant ses convictions. Ensemble, ils prennent un engagement solennel : dédier « leur vie, leur fortune et leur bien le plus sacré, l’honneur » au service de leur idéal.
Leur projet n’est pas seulement défensif. La mission qu’ils se fixent – « coopérer […] à l’établissement de la Justice, […] au service et à la défense des faibles » – résonne avec les préoccupations du catholicisme social naissant. En ces temps de révolution industrielle, la misère ouvrière est une plaie béante que ni le libéralisme économique ni le socialisme révolutionnaire ne semblent pouvoir guérir. Des penseurs comme Charles Périn, professeur à l’Université de Louvain, développent alors une doctrine économique et sociale fondée sur la charité chrétienne, comme une troisième voie. Les Guetteurs peuvent être vus comme des pionniers de ce courant, cherchant à transformer la société non par la seule politique, mais par un engagement intégral nourri par la foi, visant à l’instauration d’un « ordre chrétien » juste et fraternel.
1.3. Bâtir une spiritualité : prière, étude et fraternité
Pour mener à bien cette haute mission, les fondateurs structurent la vie de la Fraternité autour de disciplines précises, créant un mode de vie unique pour des laïcs engagés dans le monde : une vie à la fois « contemplative et apostolique ». Le travail apostolique, savent-ils, « se nourrit de l’abondance de la contemplation ».
La prière est le premier pilier. Les membres s’engagent à la récitation quotidienne des Laudes et des Vêpres, ainsi qu’à celle, chaque semaine, d’un Rosaire complet. Le choix du patronage de Notre-Dame du Rosaire est significatif, s’inscrivant dans un grand renouveau de cette dévotion au XIXe siècle, particulièrement après les apparitions de Lourdes en 1858.
Le deuxième pilier est l’étude. La crédibilité du témoignage chrétien dépend de la solidité de la formation. Les Guetteurs se réunissent donc lors de « Chapitres trimestriels » pour des temps de formation dont le but est éminemment pratique : être « utiles à l’âme du prochain ». Leur étude se nourrit de la Parole de Dieu, des enseignements de l’Église, de la théologie et de la vie des saints, mais aussi des sciences humaines, montrant une ouverture intellectuelle remarquable pour l’époque.
Enfin, le troisième pilier est la vie fraternelle. Se reconnaissant comme « frères et sœurs dans le Christ », ils se promettent une « assistance active, matérielle, fraternelle et spirituelle ». Cette communion se vit dans les rencontres régulières et se scelle par un engagement solennel. Le rite de profession, bien que codifié plus tard dans le Coutumier, existe dès les origines sous une forme ou une autre : un moment où le postulant, après un temps de discernement, s’engage sur l’honneur à servir Dieu, l’Église et la Fraternité. C’est ainsi que, dès ses débuts, la Fraternité s’efforce de vivre son exigeante devise : Cor unum et anima una.
II L’épreuve du feu (1914-1945) – Servir et défendre dans les Ténèbres
2.1. La Grande Guerre (1914-1918) : les Guetteurs et le Secours National
L’invasion de la Belgique en août 1914 plonge le pays dans quatre années d’occupation, de privations et de souffrances. Pour la Fraternité, cette épreuve du feu devient le premier grand test de son charisme. La mission de « service et de défense des faibles » inscrite dans ses Constitutions prend alors un sens dramatiquement concret. Face à la menace de la famine, une initiative civile d’une ampleur sans précédent voit le jour : le Comité National de Secours et d’Alimentation (CNSA). Dirigé par des notables et soutenu par l’aide internationale, notamment américaine via la Commission for Relief in Belgium, le CNSA organise le ravitaillement de millions de Belges.
Dans cette œuvre de survie nationale, les organisations catholiques jouent un rôle essentiel. Pour les Guetteurs, l’engagement est une évidence. Leur autonomie leur permet d’agir vite, sans attendre de directives. Leur maillage territorial et leurs compétences organisationnelles en font des relais locaux précieux pour le CNSA. Ils organisent des « soupes populaires » dans les villes et les villages, distribuent les farines américaines arrivées dans des sacs de coton emblématiques, et apportent un réconfort spirituel à une population éprouvée. Leurs maisons deviennent des lieux de réunion discrets, des centres de distribution, des foyers d’espérance. La guerre valide leur vocation : leur discipline de prière, ancrée dans le Rosaire et l’office divin, devient le rempart contre le désespoir qui alimente leur action caritative. L’idéal du Cor unum et anima una se traduit en une solidarité concrète, un partage des maigres ressources pour que tous puissent survivre.
2.2. L’Entre-deux-guerres : l’essor de l’Action Catholique
La paix revenue, la Belgique panse ses plaies. L’entre-deux-guerres est une période de reconstruction, mais aussi d’intenses débats idéologiques. C’est l’âge d’or de l’Action Catholique spécialisée, un mouvement encouragé par le Pape Pie XI pour rechristianiser la société par la formation d’élites laïques engagées dans leur milieu de vie. Des organisations comme l’Action Catholique de la Jeunesse Belge (ACJB) connaissent un essor considérable.
Forts de leur expérience de près d’un demi-siècle, les Guetteurs apparaissent comme des précurseurs de cet apostolat des laïcs. Ils collaborent avec ces nouveaux mouvements, apportant leur maturité spirituelle et leur perspective historique. Certains membres ont contribué à fonder des sections locales de l’ACJB, tout en veillant à préserver la spécificité de la Fraternité : non pas un mouvement de masse, mais une sodalité plus restreinte, une communauté de veille et de formation approfondie. C’est aussi durant cette période que la première génération, celle des fondateurs, transmet le flambeau à de nouveaux frères, dont la vision du monde a été forgée par le traumatisme de la Grande Guerre.
2.3. La Seconde Guerre Mondiale (1939-1945) : la résistance du Guetteur
L’invasion de mai 1940 replonge la Belgique dans les ténèbres d’une occupation plus brutale encore. Le mot « Guetteur » prend alors tout son sens, un sens de vie ou de mort. Veiller, c’est désormais guetter les patrouilles de la Gestapo, repérer une opportunité pour faire passer une famille juive en lieu sûr, scruter le ciel pour identifier les bombardiers alliés. La résistance n’est pas seulement armée ; elle est aussi civile, intellectuelle et spirituelle.
La Fraternité s’engage sur tous les fronts de ce combat clandestin. Fidèles à leur vocation intellectuelle, certains Guetteurs participent à la presse clandestine, rédigeant des tracts qui soutiennent le moral de la population et tournent en dérision la propagande nazie, dans l’esprit du célèbre « Faux Soir » de novembre 1943. D’autres, mettant à profit leurs réseaux, deviennent des maillons essentiels des filières d’évasion pour les aviateurs alliés abattus et, surtout, pour les Juifs menacés d’extermination. Ils collaborent étroitement avec des réseaux de sauvetage comme le Comité de Défense des Juifs (CDJ), qui s’appuyait largement sur le soutien de personnalités et d’institutions catholiques pour cacher des milliers d’enfants. L’engagement pris lors de la profession – « secourir mon prochain en toutes circonstances » – se vit au péril de leur vie.
Pour les Guetteurs, cette résistance est un impératif spirituel. Leur formation, enracinée dans la doctrine catholique qui condamne le racisme et le totalitarisme, leur fournit une boussole morale infaillible. Le nazisme représente l’antithèse absolue de la « civilisation chrétienne » qu’ils se sont juré de défendre et de promouvoir. Dans le secret des maisons où ils cachent des fugitifs, ils continuent de prier. Le Rosaire est égrené pour la libération du pays. La profession d’un nouveau membre, célébrée à la lueur d’une bougie dans une cave ou un grenier, acquiert une intensité et une gravité inouïes. Cette période forge à jamais l’identité de la Fraternité, liant indissolublement la vocation de Guetteur à l’acte de résistance morale et spirituelle contre toute forme de tyrannie.
III. Le souffle du Concile (1946-1985) – Le renouveau d’un apostolat laïc
3.1. L’Après-guerre et la Question Royale
La Libération apporte la joie mais aussi de nouvelles divisions. La « Question Royale », concernant le retour du roi Léopold III, déchire la Belgique de 1945 à 1951, opposant les partis et les communautés linguistiques. Le monde catholique soutient majoritairement le roi, tandis que les partis socialiste et libéral y sont farouchement opposés.
Cette crise politique met à l’épreuve l’unité de la Fraternité. En tant qu’organisation autonome regroupant des membres de divers horizons, elle doit naviguer dans une société profondément polarisée. Des débats passionnés ont lieu lors des Assemblées, où le Prieur de l’époque, fr. Sébastien Lambrecht a dû rappeler les frères à leur mission première : servir l’unité en Christ, au-delà des fractures partisanes. Cette expérience douloureuse a sans doute renforcé la conviction des Guetteurs quant à la sagesse de leur autonomie politique, qui leur a permis de préserver la fraternité – le Cor unum – tout en respectant la liberté de conscience de chacun.
3.2. Vatican II : une confirmation, pas une révolution
Le Concile Vatican II (1962-1965) marque un tournant majeur pour l’Église catholique. Porté par des figures belges de premier plan comme le Cardinal Suenens, il propose une nouvelle compréhension de l’Église et de sa relation au monde moderne. Pour de nombreuses organisations, ce fut une révolution. Pour la Fraternité des Guetteurs, ce fut une extraordinaire confirmation.
L’intuition de leurs fondateurs en 1874 – celle d’une vocation spécifique, essentielle et autonome des laïcs, appelés à sanctifier le monde de l’intérieur – était désormais proclamée comme l’enseignement universel de l’Église. Des textes fondamentaux comme la constitution Lumen Gentium, particulièrement son chapitre IV sur les laïcs, et le décret Apostolicam Actuositatem sur l’apostolat des laïcs, offraient un fondement théologique puissant à ce que les Guetteurs vivaient de manière prophétique depuis près d’un siècle. L’appel du Concile, repris par le Pape Paul VI à ce que les laïcs, « par leurs libres initiatives » » », s’emploient à « pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de leur communauté de vie », était l’écho parfait de leur propre mission. Le Concile ne les a pas créés, il les a reconnus et validés dans leur charisme originel.
3.3. La Réforme de 1972 et le Coutumier de 1985
La Fraternité entreprend alors un travail d’aggiornamento. La réforme des Constitutions en 1972 est une conséquence directe de la volonté de se conformer aux grands textes conciliaires. Ce travail, mené par le Prieur, fr. Emmanuel Vos et le Régent des Études, fr. Stanislas Szablonski, a été être un moment de grande effervescence intellectuelle et spirituelle. Des sessions d’étude sur les documents du Concile ont permis d’approfondir et d’actualiser le sens de la vocation de Guetteur.
La réforme de 1972, tout en conservant « l’esprit » du texte de 1874, a probablement modernisé et démocratisé le mode de gouvernement, clarifié les rôles au sein du Conseil (Prieur, Secrétaire, Procureur, Régent des Études, etc.) et actualisé le langage de la mission. La création en 1973 de l’association sans but lucratif « Sodalité du Guet » à Wavre a également permis de doter la Fraternité d’une structure juridique et financière moderne pour gérer son patrimoine. Plus tard, la révision du Coutumier, en 1985, témoigne d’un souci d’harmoniser ses rites propres – la procession solennelle lors des Assemblées, la profession marquée par la remise de l’anneau d’argent frappé de trois croix, la célébration communautaire du Rosaire – avec le renouveau liturgique post-conciliaire, dans la lignée des grands foyers belges du mouvement liturgique comme l’abbaye de Maredsous.
3.4. Naviguer au sein des crises post-conciliaires
Les années qui suivent le Concile sont aussi des années de tensions et de débats. La publication de l’encyclique Humanae Vitae en 1968 sur la régulation des naissances suscite une vague de contestation. L’épiscopat belge, sous l’impulsion du Cardinal Suenens, publie une déclaration pastorale nuancée, insistant sur le rôle primordial de la conscience éclairée des époux, une position qui fit débat.
Pour une Fraternité attachée à la fidélité au Magistère, cette période a été délicate. L’accent mis sur la formation et l’étude a été, une fois de plus, un atout majeur. Les Guetteurs ont pu étudier l’encyclique et la réponse de leurs évêques, en cherchant à former leur conscience dans la vérité et la charité, loin des polarisations qui déchiraient alors l’Église. Leur engagement pour la justice les a également conduits à s’ouvrir à de nouvelles questions sociales, comme le développement des peuples, mis en lumière par l’encyclique Populorum Progressio, ou les grands mouvements pour la paix des années 1970.
IV. Le Guetteur à l’Ère numérique (1986-Aujourd’hui) – Une veille perpétuelle
4.1. Une mission dans un monde sécularisé
La fin du XXe siècle et le début du XXIe sont marqués, en Belgique comme dans toute l’Europe occidentale, par une sécularisation rapide et un déclin de la pratique religieuse. Ce nouveau contexte, loin de la rendre obsolète, rend la mission du Guetteur plus pertinente que jamais. Il ne s’agit plus tant de défendre une société chrétienne établie que d’être un signe d’espérance dans un monde qui semble avoir oublié Dieu. La veille se porte désormais sur les nouvelles menaces qui pèsent sur la dignité humaine mais aussi sur les signes de renouveau de la foi qui apparaissent ça et là dans la culture contemporaine. Pour les Guetteurs, si le régime de chrétienté appartient à un passé revolu, le christianisme, quand à lui, n’est pas encore advenu. Réaffirmant en cela leur foi inébranlable en l’actualité du message évangélique.
L’apostolat de la Fraternité se transforme. Il devient celui d’une minorité créative et évangélisatrice au sein d’une société pluraliste. L’objectif de « l’épanouissement de la civilisation chrétienne » se traduit par un engagement culturel : promouvoir une vision chrétienne de l’homme dans les arts, les sciences, les médias et la politique, à travers la vie professionnelle et personnelle de chaque membre.
4.2. L’Agora numérique : fraternité et formation au XXIe siècle
Consciente des enjeux de son temps, la Fraternité a su adapter sa mission à l’ère du numérique. Elle maintient un site web public, une présence sur les réseaux sociaux, et surtout, une plateforme numérique réservée aux membres, nommée « Agora » ou « NeOrbe », dédiée à « l’information, la formation et la collaboration ».
Ce choix démontre une adaptation intelligente et réfléchie. Le nom même d’ « Agora » est significatif, évoquant la place publique de la cité grecque, lieu de débat, d’apprentissage et de vie communautaire. La Fraternité a ainsi transposé ses principes fondateurs dans une réalité numérique. L’Agora devient la forme moderne et continue des Chapitres trimestriels, permettant une formation permanente. Elle est le nouveau vecteur du Cor unum et anima una, reliant des membres géographiquement dispersés en une véritable communauté de cœur et d’esprit. Le site web public et les réseaux sociaux sont, quant à eux, les nouveaux outils de « propagande » – au sens noble de propagation de la foi – qui permettent aux Guetteurs d’exercer leur veille sur le continent numérique. La section « Scriptorium » du site, véritable blog, leur permet de partager des réflexions historiques, théologiques et spirituelles, accomplissant ainsi leur mission de témoins par la solidité de leur formation.
4.3. Les Guetteurs aujourd’hui : prière, étude, service
Aujourd’hui, la Fraternité des Guetteurs continue de s’articuler autour de ses trois piliers fondateurs : la Prière, l’Étude et la Vie Fraternelle. Elle rassemble des hommes et des femmes de tous âges et de toutes professions – médecins, enseignants, artistes, entrepreneurs – unis par leur profession de Guetteur. Ils se retrouvent localement pour des célébrations et des cercles d’étude, mais sont aussi connectés au quotidien par leur Agora numérique. Une initiative comme le « Monastère Saint Isidore », communauté de prière « sans murs ni clocher », montre la vitalité de leur dimension contemplative. Engagés dans leurs paroisses, leurs métiers et des œuvres caritatives concrètes, du soutien aux réfugiés à la promotion de la justice sociale, ils cherchent sans cesse à vivre la cohérence entre la prière qui nourrit l’action, et l’action qui enracine la prière, fidèles à leur devise et à leur longue histoire.
L’avenir d’une vocation
De la Belgique en pleine mutation du XIXe siècle, à travers le creuset des deux guerres mondiales, jusqu’au renouveau de Vatican II et aux défis de l’ère numérique, le parcours de la Fraternité des Guetteurs témoigne d’une remarquable fidélité à son charisme fondateur. La vocation du Guetteur, cet appel à être une présence priante, pensante et agissante au cœur du monde, a prouvé sa résilience et sa capacité d’adaptation.
Aujourd’hui, dans un monde saturé de bruits et de distractions, le besoin d’hommes et de femmes consacrés à une veille attentive, à une pensée profonde, à une fraternité authentique et à un service courageux est plus pressant que jamais. L’histoire de la Fraternité des Guetteurs n’est pas terminée. Un nouveau chapitre s’écrit chaque jour, par des membres qui, fidèles à l’appel d’Ézéchiel, continuent de veiller, dans l’attente de l’aurore.
- Ezekiel 3, 17 ↩︎