Le péché des hommes

Le Jardin d'Eden avec la chute de l'Homme

La Bible utilise plus de trente termes différents pour désigner le mal ou la faute : désobéissance, injustice, dette, transgression, infidélité, etc. Mais le mot qui revient avec le plus d’insistance est « amartia », en grec, qui se traduit par faute, erreur et implique l’idée de manquer le but, d’errer, d’où se tromper de chemin, s’égarer ou se perdre.

Si nous croyons que la vocation de l’homme, son unique raison d’être est de rencontrer Dieu, de s’unir à lui, alors le péché est à la fois une erreur, un aveuglement et une folie.

Après la création du monde et de l’homme par Dieu, la première affirmation biblique est celle du caractère originel du péché. En effet, c’est tout au début de l’espèce humaine qu’Adam, créé à l’image de Dieu et jouissant de l’intimité de son Créateur, transgresse l’interdiction formelle de Dieu.

Cette transgression n’est pas seulement une désobéissance, une rébellion contre une prescription morale établie par Dieu, mais elle revêt un caractère essentiellement religieux. Elle rompt la relation privilégiée qui unit l’homme à Dieu  et c’est l’homme qui rompt cette relation, c’est lui qui en prend l’initiative.

Ce fait orientera non seulement le destin d’Adam mais aussi le cours entier de l’histoire humaine. Depuis lors, il y aura une relation immuable entre péché et disgrâce.

Le premier péché sépare de Dieu, provoque la honte, attire le châtiment multiplie les souffrances et les fatigues (Gn 3,7-20). Il se perpétuera à travers les générations, de plus, l’offense contre le Créateur induira une série de fautes contre l’homme : l’assassinat d’Abel par son frère (Gn 4,1-16), la cruauté de Lamek (Gn 4,23-24) témoignant de la violence croissante des descendants de Caïn.

Yahvé vit que la méchanceté des hommes s’étendait sur la terre, il se repentit d’avoir créé l’homme et il « s’affligea dans son cœur ». (Gn 6,5-6)

Ce fut le déluge… « Mais Noé avait trouvé grâce aux yeux de Yahvé » (Gn 6,8).

Dieu, depuis la première chute, a miséricorde de sa créature, il vêt la nudité d’Adam et d’Ève (Gn 3,21) et laisse entrevoir une lueur de salut (Gn 3,15).

Pour assurer l’avenir spirituel de l’humanité, il met en œuvre par le principe de l’élection, une alliance avec quelques âmes intègres. Après Noé, ce furent Abraham et les Patriarches d’où sortira une humanité nouvelle : le Peuple de Dieu.

Le don de la Loi au Sinaï établit une nouvelle étape dans la conception du péché. Israël est lié à Dieu par une alliance semblable à celle d’un mariage indissoluble. Concrètement, les clauses de cette alliance ont pour fin d’assurer la fidélité du peuple élu « pour qu’il ne pèche pas » (Ex 20,20). Yahvé pour sa part assure la protection de ceux qui lui appartiennent et le servent (Dt 10,17-20). L’idolâtrie est le péché suprême (Ex 20,3-7). Israël trahira son Créateur et sera châtié. Tous les désastres nationaux proviennent de son infidélité. Dieu veut montrer à son peuple que le péché est un mal qui conduit à la perdition, que la conversion garantit la paix, la prospérité et la bénédiction (Dt 10,12-11,32).

Dès le VIIIe siècle avant notre ère, les Prophètes vont tendre à inculquer à Israël le sens du péché, la gravité de ses fautes et insister sur la bonté et la générosité de Dieu. Le péché apparaît alors comme un refus de l’homme aux attentions divines, une dureté de cœur (Is 46,12 ; 48,4.8 ; Ez 2,4), comme une ingratitude monstrueuse quelque soit la matérialité de la faute : oppression des faibles, exploitation des pauvres, corruption des juges, accaparement des terres, fraudes commerciales, concupiscence et luxure.

Les Prophètes dénoncent l’universalité du mal (Jr 5,1 ; 8,10 ; Is 64,6). Le péché a sa racine dans le cœur (Jr 5,23) comme une inclination perverse (Jr 7,24 ; 18,12) qui ne peut s’extirper (Jr 13,23). C’est une corruption, une maladie (Is 53,4-5). Aussi, Dieu veut être un médecin qui applique au patient en danger un traitement douloureux qui finira par être efficace : « voici que moi, je leur porte remède et guérison ; je vais les guérir et leur révéler une ordonnance de paix et de fidélité (Jr 33,6) ; je les guérirai de leur infidélité et je les aimerai de bon cœur » (Os 14,5a). « … Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige ils blanchiront, quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront » (Is 1,18). Dans sa miséricorde, Dieu met fin au péché de l’homme. La condition qu’il exige est l’aveu avec le repentir et le retournement intérieur qu’il suppose.

Au retour de l’Exil, la loi juive qui s’exprime sous la plume des sages et dans le chant des Psaumes, insiste sur l’universalité du péché. « Il n’est pas d’homme assez juste sur la terre pour faire le bien sans jamais pécher » (Qo 7,20). « Qui peut dire : J’ai purifié mon cœur, de mon péché je suis net » (Pr 20,9). « Tous ils sont dévoyés, ensemble pervertis. Non, personne n’agit bien, non, pas un seul » (Ps 14,3).

Il ne fait pas de doute qu’il s’agit de l’impossibilité congénitale d’une observance exacte de la Loi : « …Tu n’ignorais pourtant pas que leur nature était perverse, leur malice innée et que leur mentalité ne changerait jamais » (Sg 12,10). Tout culte, tout accès à Dieu exige une sainteté parfaite. Aussi le péché est-il, en fin de compte, incompatible avec l’adoration du seigneur. Si le juste vit sous le regard de Dieu, le pécheur s’écarte de lui et consume sa disgrâce. « Ce sont vos fautes qui ont creusé un abîme entre vous et Dieu. Vos péchés ont fait qu’il vous cache sa face et refuse de vous entendre » (Is 59,2).

La prédication primitive de l’Église ne pouvait qu’insister sur l’état spirituel lamentable des hommes, aussi bien juifs que païens. « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » s’écrie saint Paul en Rm 3,23. Le responsable en est Adam dont le péché se transmit à ses descendants et corrompit la nature humaine. Et la loi de Moïse, en multipliant les préceptes sans donner la force de les accomplir, aggrava la condition de ceux qui lui étaient assujettis ; elle contribua à multiplier les infractions (Rm 7,7). Il ne s’agit pas là de considérations historiques ou abstraites. Chacun peut faire sienne la condition de l’Apôtre (Rm 7,14-24). « Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps qui me voue à la mort ? » (Rm 7,24).

L’homme est malheureux : « …toute la création, jusqu’à ce jour gémit en travail d’enfantement… » (Rm 8,22) Jusqu’au jour où l’évènement le plus décisif de l’histoire se réalise avec la venue du Fils de Dieu en ce monde. Ce qui caractérise la révélation néo-testamentaire sur le péché, c’est le fait qu’il est lié essentiellement à la Personne et à l’œuvre entière de Jésus-Christ. Sa naissance, sa vie, sa mort, sa résurrection sont, selon le plan de Dieu, prévues afin de libérer l’homme du péché, de le réconcilier avec son Créateur, de le sauver.

Ainsi le message chrétien, la Bonne Nouvelle, se résume à cette affirmation de foi, répétée à l’envi par les Apôtres : « Le Christ est mort pour nos péchés » (1 Co 15,3 ; Ga 1,4 ; Eph 1,7). Si le Christ est mort sur la Croix pour nos péchés et a sauvé le genre humain, nous devons nous approprier les mérites de cette mort et anéantir le péché en nous. Cela s’accomplit par le baptême qui est le rite et le sacrement de l’incorporation au Christ. Par lui, nous devenons une nouvelle créature (2 Co 5,17 ; Ga 6,15), un homme nouveau (Eph 4,22-24; Col 3,9-10). Cela ne signifie pas que nous ne pouvons plus pécher mais que l’enfant de Dieu que nous sommes devenus par l’union au Christ, ne peut demeurer dans ses péchés ni continuer à offenser son Père comme avant d’être adopté par les mérites de Jésus-Christ. La condition essentielle du chrétien est celle d’être un pécheur racheté.

Le Christ ressuscité à la droite de Dieu continue à intervenir pour les pécheurs et leur applique les fruits de sa passion. « Si nous confessons nos péchés, lui, fidèle et juste, nous pardonnera et nous purifiera de toute iniquité » (1 Jn 2,1-2).

Nous recevons ici l’enseignement suprême du Nouveau Testament : Dieu est amour. Et nous pouvons dire avec saint Paul : « Nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Rm 8,37).

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